mercredi 12 février 2014

Le pouvoir de la fleur



Le phénomène hippie se base sur la culture du Flower Power (pouvoir de la fleur). C’était le slogan inventé par les hippies durant les années soixante. La fleur était un des symboles de leur idéologie expressant la non violence. L'expression est née du Summer of Love de 1967, un rassemblement à San Francisco durant lequel les hippies avaient pour consigne de porter des fleurs dans les cheveux et de les distribuer autour d'eux. Ils devinrent alors les “ Flower Child ” (enfant de la fleur) pour les médias.



Le pouvoir de la fleur se manifestait par exemple dans des actions comme offrir une fleur à un agent de police pendant une manifestation ou glisser une fleur dans le canon d'un fusil. Une photo renommée du journaliste Bernie Boston prise le 21 octobre 1967 lors d'une “marche vers le Pentagone” montre le jeune homme George Edgerly Harris approchant une fleur des canons de militaires. Il y a également la photo de Jan Rose Kasmir par Marc Riboud prise lors de cette même manifestation.

Il y a également la photo de Jan Rose Kasmir par Marc Riboud prise lors de cette même manifestation. Marc Riboud est né à Lyon le 24 juin 1923. Dès l’âge de 14 ans, il reçoit des mains de son père un appareil qui fera rapidement de lui un photographe passionné.  A peine majeur, il couvre déjà des événements majeurs comme l’exposition universelle à Paris, ou les premiers congés payés de 1936. En 1944-45, il entre dans la résistance et prendra à cette occasion des clichés dans le Vercors qui lui donneront une immense renommée après la guerre : on peut dire qu’il est le premier photographe engagé de guerre du XIXème, au sens moderne du terme. Après la fin du conflit, il entre à l’Ecole d’Ingénieur puis travaille pendant trois années en exerçant sa passion. Grâce à ses voyages et ses rencontres (Henri-Cartier Bresson et Robert Capa, entre autres), il devient, à 36 ans, vice-président de Magnum pour l’Europe. De cette période jusqu’à aujourd’hui, il n’aura de cesse de voyager et de couvrir des événements politiques et sociaux, des conflits, des expositions. Son œuvre se caractérise par la recherche du détail qui fera l’événement dans la photo. On sent à travers ses productions en noir et blanc tout son amour et sa curiosité pour les êtres et sa stupéfaction face au monde.
La photographie date du 21 octobre 1967. Elle a été prise lors d’une manifestation pacifiste à Washington devant la Maison Blanche. La jeune fille qui pose s’appelle Jane Rose Kasmir. Sur la photo retenue, elle tend sans trembler tend une fleur à la garde munie de baïonnettes. Marc Riboud captura alors l'un des clichés symbole du pacifisme anti guerre du Viet Nam.
On voit une jeune fille isolée par le choix du cadrage et celui de la focale qui règle la netteté sur le premier plan et plonge l’arrière-plan dans le flou. De la sorte cette jeune fille va symboliser, par un effet de synecdoque (une partie pour le tout), l’ensemble des manifestants. Elle est donc censée être à l’image des autres pacifistes et les personnifier à elle seule. Sa chemise bariolée à fleurs évoque la mode hippie, comme sa coiffure coupée court, anticonformiste, et son geste de recueillement qui connote la piété, le calme, la paix. En face d’elle une rangée de soldats casqués, habillés à l’identique, qui montre leur deshumanisation et leur automatisme, qui font seulement obéir à l’état, qui se confondent, fusils pointés en avant. La  jeune fille offre le visage du calme et de la sérénité, en opposition eux sont sur la défensive. Leur gestuelle est sans ambigüité : baïonnettes en avant, prêts à charger, attitude agressive et belliqueuse en parfaite adéquation avec leur fonction de soldat. Aussi avons-nous ici en présence deux entités qui se font face et qui, incarnent deux positions antagonistes : pour et contre la guerre. Le point de vue du photographe semble a priori neutre puisque celui-ci se trouve sur la ligne de front et non dans l’un ou l’autre camp.
Il est aisé de constater que cette photo est construite sur une opposition entre les signes situés à gauche et ceux situés à droite d’une verticale tracée au milieu de l’image. Opposition parfaite comme en témoignent les couples d’antithèses suivants : hommes/femme, pluriel/singulier, sombre/clair, flou/net.  Au-delà, et par extrapolation, on constate qu’à l’association homme-arme-guerre répond l’antithèse femme-fleur-paix. Qu’à la violence des uns répond la non-violence de l’autre. Qu’au symbole phallique des baïonnettes répond la virginité de la fleur. D’un côté l’homme actif, de l’autre la femme passive. Impérialisme et résistance. Mort et vie. La jeune fille a le visage net et clair pour le spectateur, les soldats, nombreux, identiques et anonymes, n’en n’ont pas plus ou moins. D’ailleurs la plupart sont flous et celui qui se trouve en face de la manifestante, et qui aurait dû avoir son visage net et en gros plan, demeure hors cadre.
Tout cela bien sûr participe de la symbolique. L’humain face à la machine de guerre. L’individu face à l’armée. L’amour face à la guerre. Et dans ces cas de figure, la sympathie de l’observateur va toujours au plus faible, ce que Marc Riboud n’ignorait certainement pas. C’est une célébration du flower power. Ce visage de jeune fille, c’est le visage de la jeunesse contestataire des années 60. Un visage qui représente mille manifestants. Une image qui vaut mille discours. Une image-symbole en somme, mais une image engagée aussi. Cette photo montre donc l’idée qu’ont les hippies du pouvoir de l’amour et du pacifisme face à la guerre.
Cette photographie était le plus grand symbole du pouvoir de la fleur. Le slogan “ flower power ” est inventé par Alan Ginsberg en 1965, et vise l’idée “ make love not war ” qui signifie “ fait l’amour, pas la guerre ” ainsi que l’idée aussi que l’amour, ainsi que la croissance des fleurs, était un meilleur moyen de guérir le monde que de se concentrer sur le capitalisme et les guerres.  L’idée d’utiliser des fleurs pour exprimer les idéaux hippies devient le centre du mouvement. La simplicité de la fleur , son lien avec la nature et la terre était toutes les idées que défendaient les hippies. Il a depuis été utilisé à beaucoup de reprises dans les films tels que The Yellow Submarine  de 1968, qui a des images de fleurs grandissant et recouvrant de nombreux paysages. De plus il apparaît aussi dans les chansons comme par exemple San Francisco de John Philips “be sure to wear some flowers in your hair”  qui signifie “  assure-toi de porter de fleurs sur la tête ”.
 

















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